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Mon Grand-Père
par
Delphine
Etant
sa petite-fille,
je n'ai connu que l'époque de sa retraite.
Retraite ! Ce mot est à mettre entre guillemets.
En effet, il avait la bougeotte. Il n'a jamais cessé de
travailler, et celà jusqu'à son
entrée
à la maison de retraite. Chevauchant sa bicyclette, il
partait
une bonne partie de la journée dépanner des
commerçants pescalunes : le boucher, son dentiste,
l'épicier, la cave coopérative. Il
n'était pas
rare de le voir revenir chargé de viande, de
légumes ou
de bouteilles.
C'était le roi des bricoleurs. Ayant
exercé les
métiers de maçon et de carrossier, il savait tout
faire.
Il construisait des
maisons, des
terrasses et des vérandas. Aussi, j'ai devant moi une
lettre
de Jean Lafont, le manadier de Le Cailar, le félicitant
pour ses noces de diamant, qui précise que sa
véranda tient toujours le coup malgré les
années.
Quand il n'était pas en vadrouille, il était soit
dans
son jardin, soit au rez-de-chaussée de sa maison qu'il avait
aménagé pour :
- cuisiner des petits plats : ses tomates farcies,
ses escargots farcis à la chair à saucisse et aux
noix,
ses aubergines gratinées à la tomate,
etc.
- bricoler sur son
établi. Les outils étaient vieux et tout
rouillés, mais il ne manquait rien.
Côté
jardin, pas une année sans potager
et des
arbres fruitiers de toute part, qui garantissaient des
vitamines
à toute la famille, enfants et petits-enfants compris.
Au fond du jardin, un coin grillagé devant la Laune - un
petit
cour d'eau lunellois - enfermait un poulailler, et sa tortue
Caroline, disparue lors d'une innondation. La production d'oeufs
était garantie, et les poules agressives avec les autres
finissaient dans
nos assiettes.
Je me rappelle les repas de famille à leur maison. Au menu
de la
Pentecôte, son excellente
paëlla au feu de
bois qui cuisait pendant l'apéro. Il y mettait gambas,
moules,
lapin, porc, poulet, poivrons, haricots verts, artichauts, ail,
oignons,
riz et safran.
Nous, les petits-enfants, on avait droit pour l'occasion à un fond
de
vin rouge coupé avec de l'eau, que l'on buvait malgré
la
menace. En effet, il nous disait, avec un grand sourire,
qu'on risquait en le buvant de se voir pousser la moustache.
En dessert, il nous servait les fraises du jardin ou alors un millefeuille, son
gâteau préféré.
Pour
digérer tout ça, nous organisions la
célèbre partie de pétanque. Selon le
nombre
de participants, les petits-enfants y étaient
conviés. Sinon Joëlle, Jessica et moi enfourchions
ce que nous trouvions dans le garage,
vélos, tricycles, trottinettes, et nous faisions les folles
autour d'eux.
Au
goûter, c'était la fougasse aux grattons,
accompagnée d'un vieux
muscat très
liquoreux. Même gosses, on pouvait y goûter.
Enfin la journée se terminait par d'interminables parties de
tarot.
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Léon,
El Neno
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Il ne manquait pas les occasions de nous raconter la
guerre où il
fut fait prisonnier. Pour se nourrir, il
avait ramassé du pain
rassis que personne ne voulait. Aussi, plus tard, ses compagnons
d'infortune se résignèrent à lui en
demander, tant la faim les
tiraillait. De cette époque, il garda
l'habitude de manger le
pain dur.
Il
n'était pas rare de l'entendre siffler
en bricolant ou en ballade. Carmen, et tous ces airs taurins qui
avaient bercé son passé de charlot,
était de son répertoire. Dans ces
moments-là, il laissait remonter les souvenirs de ces
charlotades, nous
montrant ses blessures pour attester de son courage.
Je
me sentais très proche de lui.
Sûrement car, comme
lui, j'avais été
gymnaste. L'été, il m'invitait pour
une semaine de
vacances dans son studio
à la Grande-Motte.
A cette occasion, il s'improvisait entraîneur particulier et
m'accompagnait le matin à la fraîche
sur les plages, me
parant flips, saltos et autres accrobaties qu'il
avait
exécutés avant
moi. La
récompense d'une
belle prestation était le cornet de glace
du soir après le dîner, que
nous allions manger
à la Motte du Couchant.
Il paraît
qu'à l'âge de 55 ans
lors du vin d'honneur du
mariage de mes parents,
il a surpris par son
agilité les amis de mon père en
effectuant un saut
périlleux. Il était également
fréquent
qu'il improvise une pyramide en
équilibre-renversé
sur des
chaises.
Voilà, maintenant mon grand-père n'est
plus, mais il renaît dans ma mémoire.
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